Frédéric

Suivi depuis plusieurs années par un ORL pour un lichen plan, ce dernier n’a que trop tardivement pratiqué une biopsie et c’est alors qu’en février 2011 un cancer de la langue stade C4 a été diagnostiqué.

J’ai dû brutalement interrompre mon activité libérale pour suivre en urgence le protocole établi par un premier hôpital ; soit chimiothérapie, opération et radiothérapie.

Je fus confié aux bons soins de l’hôpital où je suis actuellement suivi pour l’opération (hémiglossectomie droite et greffe d’un lambeau antébrachial).

A l’issue de cette intervention le chirurgien m’a signifié que la radiothérapie serait inutile compte tenu de la réussite de l’opération. Cela m’avait rendu heureux mais ce fut bref car dans le cadre du protocole établi par le premier hôpital les rayons étaient indispensables.

Après une phase de résistance de ma part compte tenu de l’absence de concertation entre les deux hôpitaux j’ai quand même accepté et c’est après cette radiothérapie que j’ai développé une ostéoradionécrose qui n’a cessé d’empirer malgré les nombreuses interventions et traitements prodigués (Greffe du péroné, implants, curtage, protocole Pentoclo).

Actuellement je vis très mal cette situation invalidante et je pense ne pas avoir été suffisamment informé des séquelles de la radiothérapie, soit : incapacité à s’alimenter normalement, difficulté à s’exprimer, désocialisation, vie affective perturbée, fatigue, et douleurs permanentes. Ce manque de relation avec le premier hôpital m’affecte encore.

Mieux informé sur les séquelles et les conséquences physiques et psychiques, je n’aurais jamais accepté les rayons au risque de mourir. J’aurais pris ce risque car pour moi chaque cancer est individuel et dans les prises de décision le patient n’est pas assez concerté. Il y a un protocole qui n’est pas discutable. La science demeure souveraine et éloignée de la demande profonde du sujet.

Cela étant relaté, je crois fortement au dialogue entre praticiens et patients atteints de cette pathologie pour que la parole circule et que chacun puisse exprimer son vécu, ses contraintes, ses espoirs, ses peurs.

J’ai toujours été très bien informé sur les opérations subies mais pas assez sur les séquelles et j’en ressens une certaine amertume.

Il n’y a pas, là où j’ai été suivi, de constitution de groupes d’échanges entre patients et soignants pour que l’humain et l’expérience de chacun nous aide à vivre cette maladie.

Alors soyons un peu optimiste en imaginant que ce genre de groupes existera un jour et ne sera pas considéré comme une perte de temps face à la souveraineté scientifique d’un protocole.